Des acteurs du luxe qui pourraient paraître frileux à l’idée de sortir de leur zone de confort après une période complexe
Des biais sociaux pouvant mettre en danger l’image de la maison
Les maisons de luxe pourraient être frileux à l’idée de s’insérer dans le Métavers au vue des différentes dérives qu’il y a eu précédemment sur Second Life et qui continuent d’avoir lieu dans les Métavers actuelles ainsi qu’en en bêta-tests. En effet, les grands acteurs du luxe pourraient craindre d’être associées à des bad buzz liés à des événements à caractères sexuels, de harcèlement ou autre. C’est pourquoi il faut être conscient des différents biais sociaux et des polémiques liés au Métavers afin de pouvoir pallier les critiques et les déroutes.
LES DÉRIVES SEXUELLES
Voici le témoignage de Morgane Tual, journaliste pour Le Monde, où elle décrit, 10 ans après la naissance de Second Life, ses premiers pas sur la plateforme :
“Le sable blanc, le bruit des vagues et une vieille carcasse de bateau. Une femme est assise sur un muret, vêtue d’un jean et d’un soutien-gorge noirs, silencieuse. Près d’elle, une indication « ne pas déranger ». Message reçu, j’évite de m’approcher. De toute façon, encore engourdie, je ne parviens pas encore à me déplacer à ma guise sur cette plage abandonnée. Je réussis toutefois à me retourner : c’est soudain une cité futuriste qui s’élève à quelques centaines de mètres, rompant avec la tranquillité du rivage.
Je n’ai pas échoué sur une île déserte, mais sur Second Life. Comme moi, quelques débutants hagards et maladroits débarquent sur cette plage étrange pour découvrir ce qu’il reste de ce jeu qui occupait les gros titres il y a une dizaine d’années. Je m’attendais à trouver, une décennie plus tard, un univers déserté, une technologie vieillissante et quelques toiles d’araignées dans les coins. Ce fut exactement l’inverse.
A peine le temps de déambuler dans les lieux qu’un homme brun s’approche, vêtu d’une chemise à carreaux. « C’est quoi ton truc à toi ? », demande-t-il en guise d’introduction. « Je ne te drague pas, je te jure. Je cherche de nouvelles personnes. Ici, les gens font différentes choses, comme rejoindre des clans et d’autres trucs. » Il me propose de rencontrer le sien. Je n’ai pas vraiment confiance en ce type qui saute sur la première venue, mais j’adopte la stratégie de dire oui à tout et de voir où cela me mènera. Il m’enseigne quelques rudiments du jeu et me téléporte aussitôt dans son village.
Un village dans Second Life
Maisons à colombages, chemins de terre et poules en plein air : on dirait celui d’Astérix, mais la chanson de Barry White en toile de fond jure avec le paysage – tout comme le look de « hipster » de mon hôte. Une femme est présente. « Laisse-moi une seconde pour lui parler. » Il lui explique, en privé, qui je suis, et revient vers moi pour une visite du village : les maisons, la plage, la salle de cinéma (qui diffuse des épisodes de « The Walking Dead »), la grotte et le joli feu de camp autour duquel, me dit-il, il « passe le temps » avec ses camarades. Le design est soigné, les déplacements sont plutôt fluides. « Ici, on cherche l’unité, l’amitié, certains couchent ensemble lol. Il y a de tout. Second Life peut être un jeu pour toi. Ou alors une seconde vie. C’est toi qui décides. » Il me propose de rejoindre son clan, ce qui me permettra de bénéficier quelque temps d’un logement gratuit. J’élude maladroitement la question, il comprend mon malaise :
« Quand je suis arrivé sur Second Life, je me moquais des gens. Je trouvais qu’ils prenaient tout ce bordel bien trop sérieusement. J’ai vu des gens entretenir des relations, j’ai assisté à des mariages, et je me disais “LOOOSERS”. Mais des gens m’ont fait entrer dans leur famille, et j’ai adoré, tous ces gens, toujours quelque chose à faire… »
Aujourd’hui, l’entreprise revendique tout de même 900 000 personnes se connectant par mois au jeu. Et, même si le nombre d’utilisateurs s’est largement étiolé, ceux qui restent sont extrêmement actifs. Parmi eux, mon hôte se voit rattrapé par sa « vraie » vie : il doit se déconnecter, mais propose que l’on se revoie afin qu’il m’aide à changer de look. « Pour te rendre moins flippante lol ».
Mais visiblement, mes faibles compétences en design d’avatar et mode virtuelle ne refroidissent pas tout le monde. A peine sortie du village, un homme m’aborde, et ses intentions sont on ne peut plus claires. « Bonjour mon amour… Désolé mais je ne peux pas m’empêcher de demander… Aimerais-tu m’accompagner dans un lieu plus privé et intime pour faire l’amour ? » Advienne que pourra.
Il me téléporte dans une pièce dégoulinant de clichés : oreillers de satin, couverture en fourrure et coussin léopard violet ornent le lit qui trône au milieu d’une pièce dépouillée. Il m’explique à la hâte quelques fonctionnalités de base, et se lance dans l’action. Difficile d’imaginer le nombre impressionnant de possibilités prévues par Second Life pour les relations sexuelles : un véritable festival du Kama-sutra. Tous les plans de caméra sont possibles, déplaçables à l’envi pour qui envisagerait de se prendre pour le nouveau John B. Root.
Le sexe est omniprésent dans le jeu. Si certains espaces ne sont accessibles – officiellement – qu’aux joueurs de plus de 18 ans, des publicités pour des services sexuels pullulent dans Second Life. Le jeu est ainsi devenu une porte d’entrée vers des échanges érotiques payants par voix ou par webcam. Second Life est aussi le lieu où s’expriment les fantasmes interdits : certains avatars s’adonnent ainsi à la pédophilie ou la zoophilie.”
Pouvant en choquer certains, ces pratiques sont devenues courantes et accessibles à quasi tout le monde. C’est pourquoi, très vite, des associations telles Les Familles de France ont tenu à dénoncer les problèmes de la plateforme ainsi qu’à réclamer des mises à jour techniques pour plus de règles et de protection. En effet, le monde virtuel n’a plus aucune limite ayant même fait l’objet de plusieurs enquêtes criminelles sur la pédophilie, la fraude fisclae ou bien même le terrorisme. Malgré l’interdiction officielle aux mineurs, ces derniers arrivent à se retrouver dans Second Life et à voir des images désastreuses. “Second Life ne semble subir aucune restriction d'utilisation, et l'on peut trouver de la publicité pour le tabac, l'alcool ou la drogue "sans aucune restriction légale”.” Il est donc primordiale que les prochaines générations de Métavers soient en capacité de limiter l’accès aux plus jeunes et de réguler tous comportements délictueux.
Cependant, encore aujourd’hui, la tendance n’a pas disparu car lors d’un bêta-test d’Horizon Worlds, plateforme de réalité virtuelle du groupe Meta, une femme agée de 43 ans, noméée Nina Jane Patel a éré agressée et violée. En effet, cette mère de famille explique que dans les «60 secondes qui ont suivi son adhésion», elle a été «harcelée verbalement et sexuellement par trois ou quatre avatars masculins, avec des voix d’hommes». «Ils ont pratiquement violé mon avatar et ont pris des photos, alors que j’essayais de m’enfuir», raconte Nina Jane Patel dans son article paru dans le Medium. «Ils ont crié : "ne fais pas semblant de ne pas aimer"». Elle explique avoir vécu un «cauchemar» et une «expérience horrible qui s’est déroulée tellement vite, avant que je puisse même penser à mettre une barrière de sécurité», disponible sur le site et qui empêche toute interaction avec les autres. Son expérience ayant été enregistrée, seul une partie a été rendue publique. Nous pouvons voir deux hommes dont l’un avec un bouteille à la main et l’autre collé à l’avatar de Nina et en train d’avoir des gestes inappropriés envers son avatar. Selon SumOfUs, la testeuse aurait ensuite été conduite “dans une pièce privée lors d’une fête, où elle a été violée par un utilisateur lui disant de se tourner afin qu’il puisse le faire par derrière, pendant que d’autres utilisateurs observaient à travers une fenêtre. Dans le même temps, un utilisateur également présent dans la pièce regardait et faisait passer une bouteille de vodka”.
Ce problème doit être pris au sérieux et les développeurs vont devoir travailler dessus afin de protéger les utilisateurs. Ces derniers utilisent des lunettes VR, ce qui les fait passer d’un Internet 2D en Internet 3D, en sachant que ce sont de plus en plus de jeunes qui sont sur ces plateformes, il est obligatoire de réglementer et de contrôler ce groupe d’âge.«Nous sommes désolés d'apprendre que cela se soit produit. Nous voulons que tout le monde dans Horizon Venues ait une expérience positive, trouve facilement les outils de sécurité qui peuvent aider dans une situation comme celle-ci et nous aide à enquêter et à agir», a réagi Joe Osborne auprès du «New York Post», porte-parole de Horizon Venues.
Les questions législatives se posent, Omar Sultan Al Olama, le ministre émirati de l’intelligence artificielle veut déjà punir les meurtres dans le Métavers au même titre que ceux dans le monde réel, mais c’est au tour du viol d’être au coeur des préoccupations. Comme l’avait exprimé plus haut la bêta-testeuse, Meta avait mis en place des barrières virtuelles entre les avatars après une première agression survenue quelques mois plus tôt. Dans ce cas précis, la chercheuse avait désactivé cette option pour les besoins de son étude. Dans un rapport baptisé Métavers : un autre cloaque de contenu toxique, la chercheuse explique : “Une partie de mon cerveau était en mode ‘c’est quoi ce bordel?’, l’autre se disait que ce n’était pas mon vrai corps, et une encore se disait ‘c’est important pour la recherche”.
Le rapport met aussi en lumière d’autres dérives comme des discours haineux de nature discriminatoire, homophobe, sexuelle ou raciste, et pointe du doigt le manque de modération de ces univers vituels et la décharge de responsabilité de ces entreprises qui en sont pourtant responsables.
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La pratique ne se cantonne pas seulement à Second Life ou encore à Horizon Worlds , de nombreux cas de violences sexuelles dont le MMORPG World of Warcraft pour ne citer que lui, qui est notamment célèbre pour son auberge Goldshire, où les comportements explicites sont nombreux, mais pas forcément consentis. Il y a une vraie question de la responsabilité des plateformes face à ce type de dérives.
« Nous continuerons à améliorer notre interface utilisateur et à mieux comprendre comment les gens utilisent nos outils afin que les utilisateurs et utilisatrices soient en mesure de signaler les choses facilement et de manière fiable », annonce une autre porte-parole d’Horizon Worlds. Cependant, comme l’explique Katherine Cross, spécialiste du harcèlement en ligne au MIT. « En général, quand les entreprises veulent agir contre les abus, elles donnent des outils aux utilisateurs et utilisatrices et leurs disent ensuite « voilà vous avez les armes pour vous débrouiller tout seul » . Ainsi, la plateforme aide les victimes à se protéger au lieu de punir directement les agresseurs.
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Voici donc trois outils, jugés insuffisants, mis à disposition par Meta pour protéger ses utilisateurs :
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Une option “safe zone”, qui permet de téléporter son avatar dans un espace sécurisé si l’utilisateur se sent menacé.
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Des boutons “bloquer” ou "signaler'', qui peuvent-être activés à l’encontre d’avatars injurieux ou au comportement déplacé.
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Ou encore, l’instauration d’une “frontière personnelle”, qui établit un périmètre d’un mètre de distance entre les avatars.
ESTIME DE SOI & ADDICTION
La capacité d’adhésion à cette nouvelle expérience sensorielle est beaucoup plus forte qu’auparavant, de part la pandémie qui a transformé fondamentalement nos habitudes en popularisant la vie sociale et professionnelle à travers les écrans mais aussi en naturalisant les rencontres à distance, du télétravail de masse et la possibilité d’aller plus loin pour se relier dans le cyberespace à travers de nouvelles expériences, que le Métavers rendra désormais tridimensionnelles et sensorielles.
“L’avatarisation de la société” va soulever des questions sociales, économiques et juridiques, on imagine que tout crime commis sera puni par la justice à la manière des délits d’internet. La formation à la prudence pour la citoyenneté virtuelle doit être de mise, surtout pour les plus vulnérables et les plus immergés dans le Métavers au point d’en oublier le monde réel.
En effet, le contre-coup du Métavers peut prendre une forme de dépersonnalisation en adoptant une identité et une forme différentes de la nôtre car en étant physiquement quelqu’un d’autre, en se sociabilisant avec cet apparence et ayant donc une seconde vie virtuelle pourraient engendrer des problèmes d’estime de soi lorsque l’on va retourner dans le monde réel. Et le goût de reviens-y est si fort à cause du mal-être vécu dans la vraie vie de par son apparence ou son quotidien, fait que cela engendre une certaine addiction à ces nouvelles technologies mais aussi un phénomène de claustration et de refuge émotionnel émerge.
Webedia, entreprise française des médias en ligne, a mené une étude auprès de personnes âgées de 18 à 34 ans afin de comprendre le rapport à l’avatar. Ce qui en ressort est que l’avatar correspond à un dédoublement du Moi, ainsi le joueur s’exprime et s’affirme au travers de cette nouvelle identité.
Selon Michael Stora, psychologue et psychanalyste ayant cofondé l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines, les individus se servent, consciemment comme inconsciemment, de cette représentation numérique pour incarner une autre personne qu’ils n’ont pas l’habitude d’être : « Au fond, l’incarnation de l’avatar est souvent, en effet, une forme de mise en scène d’un soi qui n’est pas toujours assumé. Nous avons tous en nous, parfois, un masque que nous portons socialement, mais le masque que nous présentons souvent dans les espaces virtuels vient témoigner de quelque chose en soi qui, parfois, n’est pas toujours accepté. Par exemple, si vous êtes quelqu’un d’inhibé et de timide dans la vie, votre avatar pourra être complètement extraverti. »
Selon un article de L’Eclaireur : “ l’addiction est une forme d’évitement du Moi réel pour n’être, avant tout, que le Moi virtuel. Il est donc possible que le Moi numérique l’emporte sur le Moi réel de telle sorte qu’un individu n’ose plus être, agir et être entendu dans le vrai monde.”
Un parallèle est très bien expliqué concernant les influenceurs sur les réseaux sociaux: « Ils sont finalement des avatars qui ont un Moi virtuel hypertrophié avec un modèle économique derrière, au détriment, parfois, du Moi réel. Cette sorte de faux self peut entraîner une pathologie qui s’apparente à une forme de burn-out. À force de n’être qu’un Moi idéalisé et virtuel, notre Moi réel n’a plus le droit d’exister, mais on ne peut évidemment pas éviter éternellement ce que l’on est dans la réalité. »
L’éthique et l’empathie sont ici remis en question car le fait de se cacher derrière un avatar et que l’on ait en face un hologramme d’un personnage de dessins animés nous enlève les barrières sociales et en ressort des propos haineux et racistes par exemple.
Gérald Deschietere, chef des urgences psychiatriques aux Cliniques universitaires Saint-Luc (UCLouvain) a exprimé lors d’une conférence que les Métavers était une addiction sans substance où les jeunes ne sortent plus de chez eux, c’est ce qu’on appelle la claustration Hikikomori. Le lien entre les réseaux sociaux et la santé mentale est défavorable et a pour conséquence d’un point de vue individuelle :
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Crainte à l’isolement et rapport à autrui, faible estime d’elle-même,
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Diminution normes morales et sociales : ne se rend pas compte que le monde qui l’entour ne ressemble pas au Métavers,
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Diminution de notre capacité d’attention (ex : téléphone)
Le rapport à la publicité peut aussi avoir des conséquences sur notre estime de soi car l’intrusion de capteurs à la manière dont Mark Zuckerberg nous l’a présenté à la fin de sa vidéo “The Métavers and How We'll Build It Together -- Connect 2021”, nous serons harcelés par les marques, qui nous diront quand changer le carrelage, le canapé. Bien qu’une réglementation soit mise en place, des répercussions psychologiques pourraient découler des avatars. Quelles seront les conséquences sur l’image de soi? Sera-t-on davantage poussé à modifier son apparence réelle pour ressembler à son avatar? Le Métavers pourrait aussi renforcer une pathologie, celle de la phobie sociale. Certaines personnes risquent de s’isoler encore davantage.
Ce sont 0,4% de joueurs pathologiques qui ont une addiction contre 3 à 4% pour l’alcool. Seule une minorité des gens sont potentiellement à risque de développer une réelle addiction. Malheureusement, ce sont souvent les personnes défavorisées avec une vie sociale peu stimulante qui développent ce trouble.